Le Tour de France. Rien que ces mots évoquent des images puissantes : le soleil de juillet, des routes noires de monde et un maillot jaune devenu légende. Un rêve de sport, de dépassement et d’héroïsme qui a construit notre imaginaire collectif. Mais une question a longtemps résonné en écho : et pour les femmes ?
L’histoire du Tour de France Femmes n’est pas un récit linéaire, mais une véritable épopée. Un parcours semé d’embûches, une lutte acharnée pour la reconnaissance qui reflète le combat de tant d’entre nous pour trouver notre place, que ce soit dans le peloton ou dans la vie. Cette quête de légitimité sur les plus belles routes du monde fait écho à nos propres batailles, à cette volonté de trouver notre rythme, notre communauté et notre liberté sur le vélo.
Car au fond, que cherchent les championnes sous le soleil de juillet, sinon ce que nous cherchons toutes sur nos routes de campagne : la reconquête du droit au mouvement joyeux. Cet article vous invite à remonter le temps pour retracer cette histoire inspirante du cyclisme féminin, des premières éditions audacieuses et oubliées à la consécration que nous célébrons aujourd’hui.
⏳Résumé rapide
– La première édition date de 1955, mais l’épreuve a longtemps été interrompue après 1989 malgré un âge d’or dans les années 80, faute de soutien financier et médiatique.
– Après une longue traversée du désert avec des courses féminines purement indépendantes, la renaissance officielle intervient en 2022 avec le « Tour de France Femmes avec Zwift », qui connaît un succès massif.
– Depuis, la course s’impose durablement comme un rendez-vous majeur du cyclisme féminin, avec une croissance continue et une reconnaissance renforcée.
Les origines : Quand les femmes rêvaient déjà de Grande Boucle
Le rêve d’une Grande Boucle au féminin ne date pas d’hier. Bien avant les projecteurs et les sponsors actuels, il y a eu des étincelles, des actes de pur courage qui ont tracé les premières lignes de l’histoire du vélo féminin.
1955 : L’étincelle oubliée
La toute première tentative, souvent méconnue, a eu lieu en 1955. Organisée par le journaliste Jean Leulliot, cette course de cinq étapes a vu la Britannique Millie Robinson s’imposer. Ce fut un geste fondateur, la preuve que l’endurance et la passion n’avaient pas de genre. Mais cette étincelle s’est vite éteinte, laissant la place à près de trois décennies de silence.
1984-1989 : L’âge d’or du Tour Féminin
Il faut attendre 1984 pour que le rêve reprenne enfin forme. Le Tour de France Féminin 1984 voit le jour, cette fois sous l’égide des organisateurs du Tour masculin. C’est le début d’un âge d’or, aussi intense qu’éphémère. Pendant six éditions, les femmes goûtent à la magie de la Grande Boucle, disputant leurs étapes en lever de rideau de l’épreuve masculine, partageant les mêmes routes, la même ferveur populaire et une partie du prestige. Pour des millions de spectatrices, c’était enfin la possibilité de se projeter, de voir des athlètes féminines se battre dans les cols mythiques.
Marianne Martin, l’inspiration d’une outsider
Au cœur de cette première édition se révèle une figure incroyablement inspirante : l’Américaine Marianne Martin. Loin d’être favorite, souffrant d’anémie quelques mois avant le départ, elle incarne la résilience à l’état pur. Avec une intelligence de course et une force de caractère hors du commun, elle déjoue les pronostics pour s’emparer du maillot jaune et le défendre jusqu’à Paris. Son histoire est celle de l’outsider qui triomphe par la seule force de sa volonté, un récit qui parle à chacune d’entre nous qui a dû se battre pour atteindre un objectif que l’on disait hors de portée. Aux côtés de légendes comme la Française Jeannie Longo ou l’Italienne Maria Canins, ces pionnières du cyclisme ont ouvert la voie, avec courage et détermination.
1989 : La fin d’un chapitre, pas de l’histoire
Pourtant, le rideau tombe brutalement en 1989. Face à des coûts jugés trop élevés et un intérêt médiatique encore fragile, les organisateurs décident de mettre fin à l’expérience. Mais il ne faut pas y voir un échec. Ce fut la fin d’un premier chapitre, la preuve que c’était possible. Ces six années ont planté des graines indestructibles dans le cœur de futures championnes et de milliers de passionnées. La course avait disparu, mais l’épopée, elle, ne faisait que commencer.
La traversée du désert : Se battre pour continuer à rouler
Après la fin brutale du Tour de France Féminin en 1989, un silence assourdissant s’installe. Le nom “Tour de France”, si puissant et évocateur, n’est plus associé au peloton féminin. Pour le grand public et les médias, la course semble avoir disparu. Commence alors une période de plus de trente ans sans épreuve officielle organisée par A.S.O., une longue traversée du désert pour le cyclisme féminin professionnel. Mais si la lumière des projecteurs s’était éteinte, la flamme de la compétition, elle, brûlait plus ardemment que jamais.
L’esprit de la Grande Boucle survit
Car les athlètes, elles, n’ont jamais cessé de pédaler. Pour continuer à offrir une grande course cycliste pour femmes en France, des organisateurs passionnés prennent le relais. C’est ainsi que naissent des épreuves comme le Tour Cycliste Féminin puis la Grande Boucle Féminine Internationale. Le nom n’était plus le même, le prestige officiel s’était envolé, mais l’esprit était là. L’envie de se battre sur plusieurs semaines, de franchir des cols et de vivre l’aventure d’une course par étapes restait intacte. Le message était clair et puissant, un mantra que toute cycliste peut s’approprier : l’important, c’est de continuer à rouler, peu importe le cadre, peu importe la reconnaissance.
Un combat permanent pour exister
Cette période fut un combat de tous les instants. Loin de la caravane publicitaire du Tour masculin, ces courses survivaient avec des moyens dérisoires. La recherche de sponsors était une lutte annuelle, la couverture médiatique se limitait souvent à quelques lignes dans la presse locale, et l’organisation restait précaire, exposée à l’annulation d’étapes faute de financement.
Pour les coureuses de cette génération, être professionnelle relevait de l’acte de foi. Elles ont couru sans la promesse de la gloire ou de la fortune, mais pour l’amour pur de leur sport et par respect pour celles qui les avaient précédées. Cette persévérance face aux obstacles, cette capacité à transformer les difficultés en force, est une philosophie qui fait profondément écho à notre propre expérience sur le vélo. Ces femmes n’étaient pas seulement des athlètes, elles étaient les gardiennes de la flamme, s’assurant que le rêve d’une grande boucle au féminin ne s’éteigne jamais complètement, préparant le terrain pour la renaissance à venir.
La Renaissance : Un succès qui s’installe et grandit (depuis 2022)
Après des décennies de patience, 2022 marque le tournant décisif. Portée par une nouvelle ambition, la renaissance du Tour de France Femmes n’est pas seulement un événement sportif : c’est la consécration d’une lutte et le début d’un avenir radieux.
2022 : Le retour des héroïnes

Le lancement du Tour de France Femmes avec Zwift est un succès foudroyant. Le public est au rendez-vous, la couverture médiatique est massive et les exploits sportifs captivent le monde entier. Cette première édition est marquée par le triomphe au courage de la Néerlandaise Annemiek van Vleuten, dont l’attaque mémorable vers la Super Planche des Belles Filles reste l’image fondatrice de cette nouvelle ère. Le maillot jaune est de retour, et avec lui, les rêves de toute une génération.
2023 : La confirmation au sommet du Tourmalet
L’édition 2023 prouve que le succès n’était pas éphémère. La ferveur est confirmée et la course gagne encore en prestige avec une arrivée mythique au col du Tourmalet. C’est ici que Demi Vollering, autre grande figure du cyclisme néerlandais, s’impose magistralement pour remporter le classement général. La course a trouvé son rythme de croisière, s’installant comme un rendez-vous incontournable de l’été.
2024 et 2025 : L’ère de l’expansion
Loin de se reposer sur ses lauriers, le Tour continue de grandir. L’édition 2024 marque un tournant international avec un Grand Départ depuis Rotterdam et une arrivée spectaculaire à l’Alpe d’Huez, remportée par la Polonaise Katarzyna Niewiadoma. Le message est fort : le Tour de France Femmes rayonne au-delà des frontières de l’Hexagone.
Et l’avenir est déjà là : l’organisation a annoncé que l’épreuve passera à neuf jours en 2025, avec un Grand Départ en Bretagne. C’est la preuve ultime que la course est non seulement installée, mais qu’elle est en pleine expansion. Elle agit comme une véritable locomotive pour tout le cyclisme féminin, poussant à la professionnalisation des équipes et inspirant des milliers de femmes à croire en leurs propres sommets.
Un Maillot Jaune pour l’avenir : Et maintenant ?
L’épopée du Tour de France Femmes est bien plus qu’une simple chronique sportive. C’est le récit d’un voyage incroyable, depuis les pionnières audacieuses qui ont osé rêver d’un maillot jaune jusqu’à la génération actuelle qui brille sous les feux des projecteurs. Leur histoire nous enseigne une leçon puissante : rien n’a jamais été donné, tout a été conquis. Chaque étape, chaque col franchi, chaque retour après une déception a été une victoire en soi, pavant la voie pour l’avenir.
Cette lutte pour la reconnaissance sur le plus grand théâtre du monde fait écho à nos propres parcours, à ces moments où, nous aussi, nous avons dû nous battre pour trouver notre rythme, notre confiance et notre place. Le Tour de France Femmes est la preuve éclatante que la persévérance paie et que les plus belles victoires sont celles qui naissent de l’effort et du courage. Son histoire nous rappelle que le cyclisme possède ce pouvoir unique de nous redonner ce que l’on pensait parfois perdu : le droit au mouvement joyeux et à la conquête de nos propres sommets.
Aujourd’hui, le peloton féminin est là pour rester, plus fort et plus visible que jamais. Il inspire des millions de femmes à monter en selle, à repousser leurs limites et à savourer la liberté que seul un coup de pédale peut offrir.
Et vous, quelle est la cycliste qui vous a le plus inspirée dans l’histoire du Tour ? Racontez-nous en commentaire !